Auteur: Violette Diserens Binggeli  -  écrit en 2000      Localisation: Suisse et France -  jusqu'en 2000      Photographe: Jacques Binggeli  -  diapositives

CHAMPIGNONS D'OCTOBRE
Dans nos régions au climat tempéré, l’Automne est une saison magnifique, et plus que tout autres le mois d’octobre étincelle de mille feux. Les pluies torrentielles de l’été ont pris fin. Dans les forêts, le sombre et pesant feuillage d’été explose de couleurs chatoyantes. Des tapis de feuilles aux couleurs vives recouvrent le sol. Ici, jaunes et brillantes celles des peupliers* parent les sentes d’or pur, là les feuilles étoilées des sycomores*, et autres érables, s’étalent en larges flaques cramoisies. Dans les sous-bois, des halos de soleil nimbes d’or les microcosmes de mousses, des lichens, de feuilles mortes ou de champignons. Mycologues, mycophages, peintre, photographes et poètes aiment ce mois dont la lumière et la douceur réjouissent le cœur. C’est le temps de longues balades dans les bois ; le temps des récoltes de châtaignes*, de noix*, de pommes*, de poires sauvages* et de grappes de raisin flétries pour accommoder les venaisons.

Ce matin, trois amis aux réflexions bien complémentaires sont à la recherche de champignons dans leur forêt de prédilection. Joseph est mycologue, Jean-Claude plutôt mycophage, et Jacques ne se déplace pas sans matériel photographique. Confortablement vêtus et chaussés
  de bottes, nos trois compères suivent une sente de montagne. Jean-Claude porte à son bras un panier d’osier, avec des sacs de papier et de tissus réservés aux espèces douteuses. Pour récolter proprement les champignons, un bon couteau repose au fond de sa poche. Joseph a préféré un panier de pêcheur passé en travers des épaules, avec une large boîte compartimentée. Il a également un couteau, mais aussi, une loupe, très utile pour l’observation et les déterminations difficiles. En plus de l’indispensable couteau, Jacques, pour sa part s’est muni d’un sac à dos rembourré avec appareils photo, flash, et trépied.

Chemin faisant, ils discutent allègrement. Jean-Claude donne d’exquises recettes et explique que Babyloniens, Egyptiens et Grecs des temps anciens appréciaient déjà les champignons et leurs vertus culinaires. Amanites*, Bolets* et truffes* étaient pour eux des mets sélects, dignes de César. Joseph ajoute, que selon les Grecs, les truffes étaient engendrées par le tonnerre lors des orages d’été. Un peu moqueurs, nos marcheurs rient de bon cœur... Quelques feuilles d’or tourbillonnent sur le sentier. Coups de pinceau dans le ciel d’azur, trois mouettes survolent les amis, devant les collines couvertes de résineux
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*Répertoire faune et flore
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Amanite tue mouche ou Fausse oronge

Polypore marginé

  au vert persistant, et de feuillus flamboyants. Des traînées de brume stagnent dans la vallée. Grises et impalpables, ces dentelles matinales s’étirent, s’effilochent jusqu’à devenir presque invisibles, disparaissent, et réapparaissent… En arrivant dans les bois, le trio se sépare. Captivés par leur recherche personnelle, chacun suit son chemin, restant néanmoins à l’écoute des autres, pour se retrouver à l’heure du casse-croûte. Cette forêt a été choisie pour la grande diversité de ses biotopes, et donc des champignons qui s’y épanouissent. Joseph qui en fait le recensement depuis le début de l’année, récolte les deux plus beaux spécimens de chaque espèce rencontrée, pour les ajouter à son herbier mycologique. Il les sèche d’abord, dans une position avantageuse, qui permette de bien en discerner les caractéristiques. Il en extrait ensuite les graines, appelées spores, puis les archive précieusement. Les champignons sont la fructification du mycélium, lui même étant un gigantesque réseau souterrain de filaments blanchâtres et enchevêtrés, sans lequel les forêts n’existeraient pas, car il est le véhicule multidirectionnel de nourriture et autres échanges avec les végétaux. Certains types de mycélium ont besoin d’un arbre ou d’une plante spécifique comme partenaire, pour se nourrir et produire ses fruits, les champignons.

Hauts ou courts sur tiges, logés dans la mousse ou s’étalant sur des troncs ou des roches, en forme d’œuf ou de chou-fleur, le pied élancé ou ventru, rond, pointu, plat, portant un anneau ou coiffé, mat ou brillant, dentelé ou bossu ; ils ont toutes les audaces ! Joseph s’attarde sur de nouveaux spécimens, en frotte les lamelles pour voir si elles changent de couleur, ou si quelques gouttes laiteuses s’en échappent. Septique, il prend note de l’allure générale, et loupe à l’appui, inspecte le dessus comme dessous les chapeaux. Les précieuses indications qu’il collecte ainsi lui permettront. Ne récoltant que les espèces qui l’intéressent, il poursuit ses pérégrinations. Il range les grosses pièces dans son panier de pêcheur, et délicatement, avec amour même, dépose les petits et les fragiles exemplaires dans les alvéoles de sa boîte partitionnée. Avec les heures qui passent, cette dernière se transforme en une véritable palette de peinture. Jaune, mauve, rose, blanc, rouge, ou encore orange, brun, ou vert ; les couleurs des champignons sont infinies ! Joseph utilise aussi sa loupe, élément essentiel pour visiter l’infiniment petit et découvrir des merveilles insoupçonnées. Champignons, mousses, et lichens minuscules dessinent sur les arbres une multitude de tâches colorées. Il
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Clathre d'archer

Vesse-de-loup

  en va de même sur les rochers et le bois mort. Les observer sous la loupe est une expérience extraordinaire, qui ouvre les portes sur des mystères d’une incroyable beauté, et force la curiosité.

Le panier de Jean-Claude est presque plein. Calocybe georgii, Lactarius deliciosus, Sparassis crispa, Boletus edulis, Suillus elegans, Russula vesca, Amanita rubescens, Russula virescens, tout ces noms latins dansent dans sa tête; chacun fait écho à une recette ! Comme le nom vernaculaire des champignons change d’une région à l’autre, les spécialistes utilise le latin pour s’y reconnaître. Jean-Claude est un fin connaisseur de ces étranges fruits, mais il ne cueille que des espèces comestibles. Il a l’œil pour les découvrir ! Il trouve des Sarcodon imbricatus* cachés sous les longues jupes d’un sapin. Dans un taillis il remarque le jaune vif des Clavaria aurea* qui perce la mousse sombre dans un repli de terrain. Bien qu’il paraisse cheminer sans attention particulière, le vieux Boletus regius* couvert de mousse fine ne lui a pas échappé. Scrutant alentour, il en découvre une famille toute neuve. Il cueille ensuite de délicates Cantharellus lutescens* qu’il range dans un sachet de papier, comme il l’a fait pour les Laccaria amethystina* et autres petites espèces. Plus tard, on le retrouve humant un Clitopilus prunulus blanc, appelé meunier dans notre région du fait de son odeur de farine. Les fragrances des champignons peuvent être surprenantes ; noix de coco, gaz, anis, mandarine, rave, fumée, et bien plus encore. En Laponie, les Tramètes* à la fine et suave odeur de fenouil et de vanille, additionnée d’une subtile nuance de gingembre, étaient incérés dans les vêtements des femmes, en guise de parfum. Jean-Claude goûte aussi certains champignons pour les identifier. Mais attention, c’est un spécialiste. Il teste seulement et recrache consciencieusement, comme cela se pratique pour les grands vins. Comme vous pouvez l’imaginer, les saveurs des champignons sont aussi nombreuses et aussi différentes que leurs formes, leurs couleurs, ou leurs odeurs. Ils peuvent être détestable, ou selon les espèces, délicat et savoureux. Naturellement Jean-Claude ne cueille que les excellentes espèces pour les cuisiner le soir venu.

Jacques ne s’occupe pas de la toxicité des champignons. Il a l’œil du poète ! A genoux dans la mousse, il cherche le meilleur angle pour photographier un groupe de splendides et bien connues Amanita muscaria*. Le tableau est charmant. Les «adultes » portent un chapeau
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Ecailleux

Cortinaire

  rouge à poids blancs, et dandy oblige, une écharpe blanche s'enroule sur le haut de leur pied. Les jeunes, quant à eux, sont à l’abri à l’intérieur d’une membrane blanche, en forme d’œuf. Certaines, à demis déchirées, laissent paraître le carmin d’un chapeau ; d’autres bien fermées, émergent à peine de la mousse. Plus loin, un fin et élégant Lepiota procera* lui rappelle un souper sous les étoiles durant une expédition italienne, dans les Abruzzes, à la recherche de l’ours marsicano. Et puis, un Boletus ravive le souvenir d’un de ces cousins trouvé dans une forêt tropicale australienne, et que nous mangeâmes sous l’œil horrifié de notre guide, Tom. Cueilli malgré sa désapprobation, ledit Boletus a été cuit et religieusement savouré vers les 18h. Tom ne pensait pas que nous mourrions dans l’instant, mais que nous soyons plongés dans d’atroces souffrances, d’autant plus que l’hôpital aborigène le plus proche était à 350 km de pistes défoncées. Paniqué, anxieux, il faisait les cents pas, nous tournait autour ne quittant pas sa montre des yeux. Puis le temps de la digestion passé, il se calma et reprit une respiration normale. Nous étions saufs. Il était rassuré. Jacques ôte quelques herbes pour mieux photographier un groupe de Coprinus*. Très fragile ce champignon pousse et disparaît en un clin d’œil. Il porte un haut chapeau en forme de cloche ornée d’écailles brunes. Quelques heures seulement après leur éclosion, leur blanc couvre-chef se teinte de beige-rosé et se festonne d’encre noire. Au fil des heures, la délicate structure de son couvre-chef se déchire en longues déguenilles échevelées, et il pleure des perles d’encre noire. Ces larmes de jais ont attiré l’attention. On dit que la substance extraite de Coprinus comatus* peut s’utiliser pour écrire, et que celle produite par Coprinus micaceus* efface l’encre ordinaire.

En rejoignant le point de rendez-vous pour le casse-croute, Jacques ne résiste pas à photographier d’autres fruits de l’Automne. Dans le sous-bois, les graines orangé des fusains, enchâssées dans des capsules roses fuchsia, explosent de fraîcheur. Les haies et les buissons d'églantiers* sont couverts de cynorhodons et des fruits rouges de l’épine vinette étincelants au soleil de midi.

Assis dans la mousse et les myrtilles, nos amis s’astreignent à déterminer chaque espèce de leur récolte avec précision. Si les mycophage sont facilement satisfaits, il n’en est pas de même pour les
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  mycologues, car les champignons sont capables de masquer leur identité avec beaucoup de subtilité. Quelques fois, malgré les investigations habituelles et la confrontation de leurs opinions, nos très expérimentés amis ne trouvent pas de réponse. Ils iront donc au club de mycologie dont ils font parti et où livres, microscopes, et conseils sont à disposition. Ils connaissent les espèces vénéneuses, qui peuvent rendre très gravement malade ou pire encore. Seulement 20 pour 3000 sont dangereuses, et elles sont bien connues. La meilleure manière de les détecter et de faire une détermination rigoureuse. Les livres de mycologie les décrivent parfaitement et divers instituts et pharmacies sont homologués pour ce diagnostique délicat.

Les identifications de terrain sont faites, Jacques, Jean-Claude et Joseph ouvrent, maintenant leurs sacs de piquenique. Ils partagent tout, pain, saucisson, fromage, petit vin blanc, et vin rouge local, ainsi que leurs expériences de la matinée, et des histoires drôles, bien sûr. Au dessus d’eux les sapins aux troncs craquelés pointent leur cime dans le ciel bleu. Les bouleaux aux troncs blancs et aux cascades de feuilles d’or frémissent sous la caresse du vent. Jean-Claude donne les secrets d'une recette, la sérénade d’un rouge-gorge résonne dans le sous-bois…



Une excellente journée!
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Plus
de photos
   


Cornouiller

Ecailleux

Tramète versicolore ou Polypore versicolore

 

Polypore écailleux



Sorbier des oiseleurs

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FAUNE et FLORE


Champignons

Amanite rougissante
Amanite tue-mouches
ou fausse oronge
Bolet élégant
Bolet royal
Cep de Bordeau
Clathre d'archer
ou Anthurus étoilé
Clavaire dorée
ou Ramania dorée
Chanterelle modeste
Coprin chevelu
Coprin micacé
Cortinaire
Ecailleux, Hydne imbriqué,
ou Epervier
Laccaire améthyste
Lactaire délicieux
Lépiote élevée
ou Coulemelle
Meunier
Polypore écailleux
Polypore marginé
Russule commestible
Russule verdoyante
Sparassis crépu
Tramete
Tramète versicolore
ou Polypore versicolore
Tricholome de la Saint-Georges
Truffe
Vesse-de-loup


Arbres, arbustes, fruits

Bouleau
Châtaignier, châtaignes
Cornouiller mâle
ou Cornouiller sauvage
Eglantier, cynorhodon
Epine-vinette
Fougère-aigle
Fusain d'Europe
Hêtre
Myrtille
Noyer, noix
Peuplier
Poirier sauvage, poires sauvages
Pommier, pommes
Sapin
Sorbier des Alpes
ou Alisier blanc
Sorbier des oiseleurs
Vigne, raisin


Animaux

Crapeau commun
Rouge-gorge familier



Amanita rubescens
Amanita muscaria
Suillus elegans
Boletus regius
Boletus edulis
Clathrus archeri ou Anthurus aseroiformis
Clavaria aurea
Cantharellus lutescens
Coprinus comatus
Coprinus micaceus
Cortinarius
Sarcodon imbricatus ou Hydnum imbricatum
Laccaria amethystina
Lactarius deliciosus
Macrolepiota procera
Clitopilus prunulus
Folyporellus squamosus
Fomitopsis pinicola
Russula vesca
Russula virescens
Sparassis crispa
Daedaleopsis
Trametes versicolor ou Polyporus versicolor
Calocybe georgii
Tuber
Lycoperdon



Beluta
Castanea sativa
Cornus mas
Rosa canina
Berberis vulgaris
Pteridium aquilinum
Euonymus europaeus
Fagus sylvatica
Vaccinium myrtillus
Juglans regia
Populus
Blessonnier
Malus
Abies alba
Sorbus aucuparia
Sorbus aria
Vitis vinifera



Bufo bufo
Erithacus rubecula

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