Auteur: Violette Diserens Binggeli  -  écrit en 1995      Localisation: Haute-Savoie, France      Photographe: Jacques Binggeli  -  diapositives

LE MONT SALEVE

Voyage à travers les millénaires.
Avec ses strates parallèles, ses falaises et ses vires coupées de failles, de pans boisés et d’éperons rocheux, scindé en parties inégales par les failles de Monnetier et de la Croisette, le mont Salève traverse le bassin genevois du nord-est au sud-ouest. Entouré par la mer, l’eau douce ou les glaciers, il était déjà une île à la fin du Jurassique. Les études géologiques attestent qu’aucun dépôt alluvionnaire ne se trouve dans sa structure. De nos jours encore c’est une île, un atoll de calcaire qui émerge de la plaine de molasse. De ce promontoire rocheux, un extraordinaire panorama s’ouvre à 180°. A l’est, la chaîne des Alpes, étincelante du soleil réverbéré par les neiges éternelles, darde ses pics altiers dans le ciel bleu. En face, le Jura s’étirent vers le nord en ondulations typiques du secondaire, tandis qu’au sud, le Vuache, les monts de Sion et de Musèges ferment le bassin. Au nord, vision paisible et harmonieuse, les scintillements du Léman couvert de ses flottilles de voiliers, rehausse les beautés de la Genève internationale.

Le Mont Salève est une étrange montagne. Il est de ces lieux qui incitent
  et même favorisent un retour dans les millénaires. Assis sur un éperon rocheux, au-dessus du brouillard qui recouvre la plaine, imaginez-vous chasseur à l’ère glaciaire... Fatigué après un jour de traque à la poursuite du gibier, ayant recherché des traces, puis longtemps suivi une famille de rhinocéros laineux*, vous vous reposez enfin. Un feu de bois protecteur crépite à côté de vous, le lièvre* tué tôt ce matin est délicieux. Votre regard embrasse l’immensité glacière dans le soir rosissant...

En remontant encore dans le temps, vous pourriez être le même chasseur dans des environnements tout à fait différents. Emergeant à peine, le Mont Salève était couvert de palmiers et de fougères arborescentes. Il y faisait chaud et humide, les éléphants antiques*, petits avec des défenses toutes droites, les lions des cavernes*, et les tigres à dents de sabre* parcouraient la plaine. Le bord de mer n’était qu’à une centaine de kilomètres.

Plus proche de notre ère, les Magdaléniens dont les fouilles de Veyrier
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  nous donnent quelques indications sur leur mode de vie, occupaient des grottes au pied du Salève. A l’époque des grandes chasses aux rennes* et à l’aurochs*, elles leur fournissaient un refuge sûr contre les redoutables bêtes sauvages.

Les lacustres non plus n’ont pas négligé le Salève. Sa végétation forestière et son gibier les changeaient agréablement de leur ordinaire piscicole. Bien que dangereux et craint à cause des grands prédateurs qui s’y réfugiaient, il était un abri très prisé en période d’inondation et lors des hivers particulièrement rigoureux.

Au siècle passé les loups* comme les ours* y trouvaient encore des tanières de choix, non loin des villes. En compétition avec les hommes, pour ces aires d’habitations, la gent animale perdit la bataille. Le dernier loup fut tué en 1830, le dernier ours en 1822.

Situé si près de la grande Genève scientifique, le Mont Salève fut naturellement le sujet de nombreuses études. Depuis le 18ème siècle, paléontologues, géologues, botanistes, zoologistes et autres scientifiques l’ont examiné. Chacun dans son domaine l’a disséqué à la recherche de son histoire et de ses messages. Il était là bien avant l’arrivée d'‘homo erectus’, qui n’eut lieu qu’à la fin du paléolithique, et perdurera sans doute bien après sa disparition malgré l’acharnement de ce dernier à en extraire la matière et à le transformer en zone urbaine. Aujourd’hui encore ses plateaux ensoleillés, ses falaises abruptes coupées de pentes herbeuses, ses forêts, ses gouffres et ses ravines humides ont de merveilleux trésors à nous offrir; des messages de beauté, d’harmonie et d’humilité que nous rencontrerons à chaque balade, si nous savons regarder !

Très tôt au printemps, quand la neige disparaît et que certaines mares sont encore gelées, n’avez-vous jamais, à plat ventre sur le sol, l’œil fixé sur la nappe aquatique, assisté au ballet nuptial des crapauds ? Leurs coassements emplissent l’air, l’eau bouillonne et bourdonne de leur agitation. Depuis quelques jours, cinq, dix, cinquante, batraciens et plus arrivent dans l’eau glacée. Accrochés sur le dos des femelles, en grappes, en tas, les mâles déposent leur laitance sur les chaînes d’œuf qu’elles pondent. Parmi le grouillement sombre des crapauds communs,
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  le ventre jaune orangé d’un crapaud sonneur* rappelle le contraste éclatant des caltha des marais* sur l’eau noire des tourbières. Plus tard, les tritons alpestres* , fines silhouettes aquatiques au bleu raffiné et à l’orange flamboyant, prendront la place des crapauds. Comme eux, ils s’accoupleront dans l’eau glacée, y déposeront leur semence, puis se disperseront dans les prairies et les bosquets environnants.
Pendant ce temps les sous-bois se sont parés de milles fleurs. Scilles bleus, pervenches mauves, perces neige immaculés aux pointes des pétales couleur de soleil, primevères*, gentianes*, crocus* et champignons… tous renaissent à la vie ! Le muguet* rempli les enrochements de la hêtraie. Le voile de la feuillée naissante protège la forêt des ardeurs du soleil revenu. Tout près, épuisés par la migration, une première vague de merles à plastron* reprend son souffle. En lisière de prairie des chevreuils* broutent les nouveaux bourgeons.

Sur les pentes escarpées où vires, falaises et bosquets s’entrecroisent, les chamois, qui reviennent du fond de la grande gorge où ils ont passé l’hiver, se régalent de pousses fraîches. Timides en ce début de printemps, ils s’habitueront vite à la présence humaine et avec de la chance vous pourrez les observer d’assez près. Sublimé par les piquées vertigineuses du faucon pèlerin*, le passage d’un renard* ou les parades nuptiale des passereaux, le spectacle de leur vie est un plaisir sans cesse renouvelé.

Le mois de mai ramène les martinets dont le vol syncopé et les cris perçants animent le ciel où ils dessinent des dentelles invisibles. Les renardeaux et les jeunes blaireaux gambadent autour de leurs tanières. Les femelles chamois mettent bas dans les pentes rocheuses. Les ‘couac’ graves et secs du grand corbeau signalent son retour dans ces lieux longtemps abandonnés. Les ‘hennissements’ du milan noir* au–dessus de la forêt et les trilles des pinçons réjouissent l’oreille. Fauvettes*, mésanges*, bruants*, alouettes*, migrateurs ou non, tous se joignent au grand hymne à la vie. Partout, elle explose inexorablement ! Les sportifs se joignent à l’excitation générale. Par beau temps, ils escaladent les faces rocheuses, descendent dans les gouffres, suivent les chemins de chèvre ou marchent le long des sentiers ombragés.
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Imitant les oiseaux, ils survolent aussi la campagne avec leurs ailes deltas et parapentes colorés.

Lourd et étouffant, l’été arrive. Tout se calme. Seuls les hommes s’agitent encore pointillant le ciel de leurs grandes voiles aux teintes vives.

L’automne ravive les couleurs. Brun, jaune, rouge, la forêt change de parure. Les écureuils et autres rongeurs engrangent des réserves pour pallier aux rigueurs de l’hiver. Il y a des champignons partout ! Ronds, avec des chapeaux plats ou pointus, rouge, blancs, mauve, ou beiges, ils sont les fleurs de l’automne. Le sol est couvert d’une épaisse couche de feuilles mortes. Les colchiques* s’effilochent. La pluie, la grisaille et le vent s’installent. Il y aura encore de très belles journées avec du ciel bleu et le soleil embrasera les fruits rouges des églantiers* encore trempés de la dernière averse.

Chacun cherche un abri contre le froid, et les périls hivernaux. Il neige, féerie des flocons… la dame blanche s’étale à l’infini et fausse les perspectives. Des cascades de glace recouvrent la roche des sentiers. Tels des stalactites, des glaçons effilés et de solides colonnes gelées festonnent les parois rocheuses. Les petites traces rondes des pattes du renard trahissent son passage sur la neige... Le bouvreuil couleur pivoine, le rouge-gorge familier ou le chamois juste entr’aperçu sont des images heureuses de l’hiver. Du ciel bleu le soleil fait miroiter des milliers d’étoiles sur la neige gelée. Ainsi, assis sur un éperon rocheux, au-dessus du brouillard recouvrant la plaine par une merveilleuse journée d’hiver vous contemplez le couchant rêvant aux premiers âges du Mont Salève....
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(Crapaud)
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Coelodonta antiquitatisi
Est un Machairodontinae, comme le Smilodon en Amérique



Divers espèces
Divers espèces
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Divers espèces
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Divers espèces
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Rosa canina
Gentiana verna
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